Mythe de Faust : le diable toujours d’actualité
« FAUST (Juste une p’tite dent…) » de Alain Casabona, publié aux éditions Coryphène; plume alerte, justesse et drôlerie dans ce court roman qui revisite un fabuleux mythe et suscite des réflexions sur une thématique intemporelle :
La soif de savoir et de pouvoir peut-elle nous inciter à ignorer notre conscience ?
Le Faust revisité d’Alain Casabona
Marc Faust est bâtonnier de l’ordre des avocats. Il s’agit d’un personnage contemporain, plus très jeune et qui a l’impression d’avoir manqué de vivre pleinement ses amours et ses passions. Un jour, dans une librairie, il attrape le coup de foudre pour une cliente, Marguerite, mais il n’ose pas l’aborder. C’est alors que lui apparaît un être énigmatique : « une sorte de faune, barbichette et regard perçant lui sourit avec un air complice ».
Il s’agit de Memphis Thot, un ancien dentiste devenu psychanalyste qui va bouleverser le quotidien de Marc et de Marguerite. Le décor est planté et tous les personnages sont en place. Enfin presque…
Le malin s’insinue dans l’esprit du protagoniste, le place face à ses désirs et ses frustrations en lui faisant regretter ses anciennes passions musicales.
Il voudrait connaître les secrets de cette magie qui tire du clavier une profusion d’effets, un envoûtement, et qui rachèterait au centuple ce que la vie lui a refusé, ou qu’il a négligé.
Il avait la passion du piano; le piano ne l’aimait pas.
Extraits du roman de Alain Casabona « Faust (Juste une p’tite dent …) »
Références artistiques autour du mythe de Faust
Secrétaire général du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle, Alain Casabona (1950 – 2017) est l’auteur de plusieurs romans et nouvelles. « Faust (Juste une p’tite dent…) » regorge de références musicales et littéraires sans faire l’impasse sur l’humour.
Musique
La musique a fait partie de la vie de cet écrivain français qui a toutefois dû interrompre une carrière de pianiste concertiste à la suite d’un accident de la circulation. Nombreuses sont les références musicales dans son roman « Faust (Juste une p’tite dent…) » et en particulier la « Méphisto-Valse » de Liszt.
Méphisto-Valse monte en puissance, sans que soit omise une note. C’est une pyrotechnie. Est-ce Liszt lui-même, porté par son public de jeunes filles pâmées ? Faust surmonte tous les pièges de cette partition diabolique. Il ne réfléchit ni ne s’efforce. Il est un autre, mais ne s’en étonne pas. Il y a là un prodige.
Extrait du roman de Alain Casabona « Faust (Juste une p’tite dent …) »
Humour
L’humour caractérise aussi les écrits de l’auteur Alain Casabona qui fut « grand chancelier » de l’Académie Alphonse-Allais. Cette dernière rassemble des artistes humoristes exerçant leur talent dans l’esprit allaisien, en référence à Alphonse Allais.
Dans « Faust (Juste une p’tite dent …) », le psy Memphis Thot fait une analyse tout à fait surprenante et drôle de sa patiente Marguerite :
- Quels genres de contes ?
- Les classiques… vous savez… les aventures de Oui-Oui, ou quelque chose comme ça…
- Oui-Oui... intéressant… deux fois oui… l’obéissance absolue et répétée à un ordre familial très hiérarchisé mais inversé. Et les aventures – ad-venire – ce qui doit arriver de toute façon. Avez-vous le sentiment d’en avoir souffert dans votre développement cognitif et affectif ?
- Excusez-moi ?
- Est-ce que le personnage de Oui-Oui vous terrorisait ? Représentait-il pour vous une figure d’autorité ?
- C’est peut-être beaucoup dire !
Extrait du roman de Alain Casabona « Faust (Juste une p’tite dent …) »
Ce dialogue loufoque entre Memphis Thot et Marguerite est lu par Charlotte Rampling et Patrick Taillandier, éditeur de l’écrivain dans la vidéo ci-dessous sur YouTube :
Littérature
S’inspirer du mythe de Faust, c’est puiser dans les origines historiques d’un personnage et d’une légende que de grands auteurs ont transformées en récits littéraires :
- la « Tragique histoire du docteur Faust » de Christopher Marlowe est une pièce de théâtre écrite vers 1592 et publiée après la mort de son auteur anglais issu de la Renaissance élisabéthaine. Assoiffé de savoir, Faust vend son âme au diable en échange de pouvoirs, mais le regrettera amèrement plus tard.
- le premier « Faust » de Goethe publié en 1808, suivi du second « Faust » de Goethe, publié à titre posthume en 1832. Désireux de posséder la connaissance universelle, l’alchimiste Faust conclut un pacte avec le diable. Il échappera à l’enfer grâce aux prières de Marguerite.
-On ne démystifie jamais rien, mon cher maître, jamais ! On change de mystification, c’est tout. Et c’est déjà bien. Regardez la production d’œuvres autour de Faust. Littérature, musique, peinture, cinéma… Quel domaine de l’esprit échappe à la fascination de ce mythe !
–Mythos… le mensonge ! Le monde tourne autour du mensonge, qui est le ressort de la tentation.
-Mensonge ou vérité, qui peut dire ce que recherche l’esprit, conscient de décliner inexorablement ? Le fait est que des œuvres admirables fleurissent sur ce terreau incertain.
Extrait du roman de Alain Casabona « Faust (Juste une p’tite dent …) »
Alain Casabona fait entrer directement dans son récit – comme ici au cours d’une conversation entre Marc et Memphis Thot – les références et réflexions autour du mythe de Faust. Ceci apporte au roman une touche de lecture encore plus intéressante.
La morale du mythe de Faust
Tout comme Faust, nous pensons que la maîtrise des connaissances et du savoir rend heureux parce qu’elle devrait nous permettre de faire partie de quelque chose de plus grand que nous et d’atteindre l’éternité. Pour autant, la personne tentée et désireuse ne doit pas renoncer à certaines valeurs humaines. Le diable Memphis Thot incite Marc Faust à franchir cette barrière entre le bien et le mal et à lui vendre son âme.
Que feriez-vous à sa place ?
Que celui qui n’a jamais rêvé d’un pacte avec le diable pour réaliser ses rêves les plus fous jette sa première goutte de sang.
Extrait de la préface d’André Bercoff au roman d’Alain Casabona « Faust (Juste une p’tite dent …) »