
Le cancer, une chance ? Rencontre avec l’auteure.
Le titre du roman d’Adeline Pasteur « Mon cancer, quelle chance ! » publié chez Mama Éditions a de quoi surprendre. Et pour cause ! Le cancer, cette maladie qui suscite l’effroi et balaie des existences sur son passage est synonyme de « chance » pour l’auteure française Adeline Pasteur.
Alors qu’elle n’a même pas quarante ans, le diagnostic d’une forme très agressive du cancer du sein ébranle sa vie privée et professionnelle. Mais elle se rend bientôt compte que cette maladie lui ouvre les yeux sur les véritables maux dont elle souffre depuis longtemps et qui sont plus psychiques que physiques. Dans son roman autobiographique, Adeline Pasteur nous raconte comment elle a vaincu le cancer tout en entamant une véritable guérison psychique.
Conceptrice-rédactrice, Adeline Pasteur vit de sa plume. Lorsque la maladie la frappe de plein fouet, elle entreprend d’écrire un blog « Saint Soutif » où elle relate les hauts et les bas de son cancer. Son premier livre « Mon cancer, quelle chance ! » apporte un réel espoir et du réconfort aux personnes atteintes de cette maladie. Ses écrits suscitent par ailleurs de nombreuses réflexions sur les origines de nos maux en général.
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C’est avec grand plaisir que je partage ci-après l’interview qu’Adeline Pasteur m’a gentiment accordée en répondant à quelques questions à propos de son roman « Mon cancer, quelle chance ! » :
Adeline Pasteur (copyright)
Vos écrits témoignent du lien évident qui existe entre le mental et le physique et ceci, même si nous n’en avons pas toujours conscience. Est-ce correct de dire qu’il s’agit là du fil rouge de votre livre ?
Tout à fait. À mon sens, même si le cancer est une maladie aux origines multiples, je pense qu’elle ne m’est pas arrivée par hasard. Elle dévoilait quelque chose sur ma façon d’être au monde, sur mes émotions profondes, refoulées. Je fais en effet partie de ces personnes qui n’ont pas un style de vie particulièrement à risque, malgré tout je suis tombée gravement malade à 37 ans. De même, j’étais la troisième génération de femmes de ma famille à avoir ce cancer, mais les recherches n’ont révélé aucun marqueur génétique… Je me suis donc nécessairement demandé : mais pourquoi est-ce que cela m’arrive ? Et j’ai découvert, à partir de là, que la maladie avait beaucoup à m’enseigner. Je devais me transformer en profondeur pour guérir.
Pensez-vous que ce lien existe pour une grande majorité de maladies, pas seulement le cancer ? Le cas échéant, le fait de vivre sereinement et dans le bonheur devrait donc aider à éviter ces maladies et à améliorer la santé ? Quel regard portez-vous sur cette façon de voir les choses ?
Oui je pense que le lien corps-esprit se manifeste dans de très nombreuses pathologies, comme les douleurs chroniques ou les maladies auto-immunes. Tout ce qui émerge de nous, même nos chutes ou accidents, sont un peu comme le porte-voix de notre âme, qui passe par notre corps pour s’exprimer. Cela indique un mal-être, un désalignement. Pour autant, il est trop réducteur de dire « qu’il suffit de vivre dans le bonheur ». C’est un cheminement très complexe, qui suppose déjà de sortir du déni dans lequel on est. Personnellement, je ne me rendais pas vraiment compte que je vivais un peu « à côté de mes pompes ». J’avais un terrain mélancolique, mais pourtant tout pour être heureuse sur le papier. Je vivais d’ailleurs dans une grande agitation qui me donnait l’illusion du bonheur. Finalement, c’est la maladie qui a déchiré le voile et m’a permis de regarder en face les vrais problèmes. D’une certaine manière, je n’ai pas eu d’autre choix que de vivre cette expérience violente pour ouvrir les yeux. Il ne faut donc pas se culpabiliser mais se dire : « ok, je subis ce problème de santé, mais maintenant que puis-je faire pour comprendre son message ? »
Vous mentionnez dans votre ouvrage ne pas être passée par une véritable crise d’adolescence car vous êtes toujours restée « sage et appliquée ». Partagez-vous alors l’avis qu’une certaine rébellion dans l’adolescence (voire plus tard) vis-à-vis de ses parents est nécessaire pour s’affranchir de certaines fragilités qui passent de génération en génération ?
Je ne suis pas certaine que la rébellion nous prémunisse des fragilités intergénérationnelles. Quand j’évoque ma docilité dans l’enfance et l’adolescence, c’est surtout pour montrer que j’étais une personne trop soucieuse de satisfaire les besoins des autres avant les miens, parce que j’étais profondément en insécurité émotionnellement. Mais on peut être très rebelle et tout aussi insécure. Le vrai challenge de la vie est de se sentir libre d’être soi. Et c’est très dur ! Car il y a l’éducation, les conditionnements de la société, nos blessures d’enfance… Etre aligné, c’est un travail constant. Mais ça démarre déjà avec de la conscience. Si on a de la clairvoyance sur notre fonctionnement, on fait déjà une grande partie du travail, car on peut se faire aider pour avancer. C’est le cancer qui m’a permis de prendre conscience que je n’étais pas centrée sur mes besoins, mais ceux des autres. Et depuis, je me fais aider pour combler, par moi-même, l’insécurité de mon enfance.
Dans votre livre, vous dites qu’une énorme aide psychologique dans le traitement anticancer est de « l’accompagner de convictions positives » ou d’une « visualisation positive » ou encore de se projeter dans l’après afin de vivre les soins et traitements de manière plus sereine et plus positive. Cette façon de voir les choses est pourtant difficile lorsque les nouvelles du médecin ne sont pas bonnes. Comment estimez-vous la capacité de résilience de l’être humain ? Et pensez-vous que plus elle est élevée, plus les chances de guérison sont meilleures ?
J’ai été très surprise de constater, en salle d’attente, la force des patientes. Face à l’urgence de notre survie, nous déployons des trésors de volonté et de résilience, c’est impressionnant. On me disait souvent « tu as tant de courage », mais en réalité on n’a pas d’autre choix que d’être courageuse ou courageux ! Mais il faut diriger l’énergie et le désir de survie dans le bon sens. Si malgré tout cela on voit la maladie comme un démon, une injustice, on ne s’aide pas soi-même, selon moi. Car le cancer, c’est une partie de nous ! Ce sont nos cellules qui dégénèrent toutes seules. Alors il ne faut pas ajouter de la violence en voyant le cancer comme un monstre. Il faut composer avec lui, en mettant tout en œuvre pour l’éliminer, mais dans le respect de ce qu’il nous informe. Le cancer nous dit : « c’est ta dernière chance de changer ta vie, tu ne peux plus continuer comme ça, on attend que tu agisses ! » En ce qui concerne la visualisation positive, c’était surtout une aide pour supporter les traitements. Me projeter dans l’avenir, c’était aussi aidant, mais cela allait de pair avec le travail de fond que je menais pour comprendre ce qui avait traumatisé mon corps et mon esprit jusqu’alors. Je pensais : « quand tu seras en rémission, tu devras faire des choix courageux pour honorer tout ce que tu comprends en ce moment ».
Vous évoquez l’après-cancer dans votre livre et décrivez cette période comme « une phase de redémarrage, le reset d’un ordinateur ». Pouvez-vous nous parler en quelques mots de ce moment qui reste difficile à appréhender et ce que vous proposez en premier lieu pour y faire face ?
Lorsqu’on est dans les soins, notre préoccupation numéro un est de survivre. Et effectivement, une fois les traitements terminés, il y a un appel d’air très fort, qui est aussi vertigineux : maintenant, il faut retourner dans la vie. C’est compliqué, car il y a toujours une phase où l’on se dit qu’on n’y arrivera jamais, qu’on ne pourra pas se réinsérer, car les problèmes du quotidien de la plupart des gens nous semblent futiles. Alors la bonne nouvelle est que l’on réussit, bien heureusement, à le faire ! Néanmoins, on ne peut plus fonctionner comme avant, puisqu’il est impossible de reproduire les schémas qui ont conduit à notre perte, si je puis dire. Il s’agit donc d’entrer dans une phase courageuse, où l’on doit décider de respecter le pacte que l’on a passé avec soi-même quand on s’est dit « plus jamais ça ». Un problème après l’autre, une action à la fois, on peut commencer à construire sa nouvelle vie. Il ne faut pas se laisser impressionner par la montagne, mais faire un pas après l’autre et avancer petit à petit. Dès lors qu’on se met en mouvement, c’est extrêmement fructueux.
Votre livre offre aussi de nombreuses pistes à suivre pour surmonter les crises existentielles que sont la peur de la solitude, la course après le bonheur, les états de mélancolie… Certaines personnes ne disposent pas toujours de la clairvoyance ou de l’énergie nécessaire pour venir à bout de ces difficultés. Avez-vous des idées pour leur venir en aide malgré eux ?
Oui, toutes ces pistes sont celles que j’ai explorées parce qu’elles m’ont semblées évidentes dans le cadre de mon travail d’introspection. Chacun doit trouver ce qui lui parle et commencer le travail là où il ou elle le sent, à son rythme. Encore une fois, c’est le fait de se mettre en mouvement vers le changement qui est très bénéfique, pas nécessairement la résolution à tout prix du problème. Du reste, celle-ci peut prendre plusieurs années, voire même être le travail de toute une vie ! Mais je crois qu’il est quand même important de se faire aider pour accéder à la clairvoyance, c’est vraiment cela qui est la clé. Si on reste dans notre illusion, on ne peut pas avancer. Cela dit, un choc aussi violent que celui du cancer a le pouvoir de provoquer cette clairvoyance, parce qu’il en découle deux choses : le désir ardent de vivre, et le temps et l’espace pour réfléchir sur soi.
Votre roman s’inscrit parfaitement dans la thématique de mon blog lire-pour-guérir. Avez-vous été « aidée » ou « réconfortée » d’une manière ou d’une autre par la lecture d’un roman au cours de votre maladie, voire après ?
Je me souviens avoir été particulièrement marquée par le livre de Lise Bourbeau, « Le cancer, un livre qui donne de l’espoir ». Il m’a aidée à cheminer spécialement dans le rapport à ma mère, que je croyais complètement sain, et qui en réalité ne l’était pas tant que ça ! J’en parle d’ailleurs dans mon livre, et j’ai été très heureuse que Lise Bourbeau m’accorde une interview, que j’ai aussi ajoutée à la fin de mon ouvrage.
Un tout grand merci à Adeline Pasteur pour ses réponses qui apportent quelques explications sur le titre énigmatique de son roman « Mon cancer, quelle chance ! », un livre à la fois éclairant et réconfortant que je recommande vivement à toutes et tous.


2 commentaires
plaisiretequilibre
Un très bel ouvrage que j’aimerais beaucoup découvrir. Merci pour cet article !
Lire pour guerir
Avec plaisir, merci et bonne lecture !