Sujet de la chronique incluant la photo de la couverture du roman de Thomas Schlesser "Les Yeux de Mona"
Le LIVRE dans l'ART,  Roman éclairant,  Roman initiatique

Ouvre les yeux comme Mona et sauve ton esprit !

L’art éveille les sens et les sens éveillés suscitent l’émerveillement et la réflexion.

Dans l’écrin d’une fiction, le best-seller de Thomas Schlesser « Les Yeux de Mona » paru chez Albin Michel en 2024 évoque les leçons de vie issues de 52 œuvres d’art.

Initiation artistique et leçon existentielle d’un grand-père à sa petite fille

Mona, fillette de 10 ans, est menacée de cécité. Au lieu de la conduire toutes les semaines à des séances de pédopsychiatrie prévues dans son traitement, son grand-père Henry l’emmène aux musées du Louvre, d’Orsay et de Beaubourg pour contempler et interroger une œuvre artistique.

Henry souhaite ainsi faire découvrir à sa petite fille toute la beauté du monde concentrée dans ces chefs d’œuvre, avant qu’elle ne perde l’usage de ses yeux.

Chaque séance devant une peinture, sculpture, photographie commence par un moment de recueillement suivi par un échange mêlant d’une part, les émotions fraîches et spontanées de la fillette et d’autre part, les connaissances historiques et philosophiques de l’ancien. Ce dernier veille à puiser dans l’art des leçons de vie qu’il transmet à Mona au fil de leurs visites.

Ce que dit cette fresque, c’est qu’il faut apprendre à recevoir, que la nature humaine, pour être capable de grandes et belles choses, doit être prête à accueillir : accueillir la bienveillance d’autrui, son désir de faire plaisir, accueillir ce qu’elle n’a pas encore et ce qu’elle n’est pas encore. Il sera toujours temps pour celui qui reçoit de rendre, mais pour rendre, c’est-à-dire donner à nouveau, il est indispensable d’avoir été capable de recevoir.

Extrait du roman de Thomas Schlesser « Les Yeux de Mona », en lien avec la fresque de Sandro Botticelli montrant Vénus et les trois Grâces offrant des présents à une jeune fille (entre 1475 et 1500)

Illustration du propos : Vénus et les trois Grâces offrant des présents à une jeune fille - Sandro Botticelli (XVe siècle)

En phase avec cet « apprendre à recevoir », il est à noter que le grand-père accueille avec intérêt et bienveillance toutes les réflexions enfantines de sa petite-fille de sorte que l’échange entre les deux devient un véritable partage d’intuitions croisées.

Ce « merveilleux concentré de la beauté du monde »

Chaque chapitre du roman de Thomas Schlesser « Les Yeux de Mona » relate l’une des 52 visites hebdomadaires au musée, à la découverte d’une nouvelle œuvre artistique. Cette dernière éveille les sens de la fillette et l’initie, ainsi que le lecteur, à l’histoire de l’art, au contexte entourant la création de l’œuvre, mais également aux leçons existentielles qui en découlent.

Pour Thomas Schlesser, historien de l’art, directeur de la Fondation Hartung-Bergman, professeur et auteur de nombreux essais, ce roman souligne le « merveilleux concentré de la beauté du monde » que l’on retrouve tout particulièrement dans les musées.

En référence à son expérience personnelle avec la peinture de Paul Cézanne, l’auteur évoque une « boucle de rétroaction positive », sorte de symbiose selon laquelle on voit mieux le monde en parcourant les musées et on voit mieux les choses qui se trouvent dans les musées en étant attentif à ce qui se passe dans le monde.

[…] Cézanne rejoint l’idéal enfantin en ceci qu’il ne cherche pas à creuser illusoirement son paysage dans la profondeur. Il veut que ses motifs surgissent hors de la toile … »

Extrait du roman de Thomas Schlesser « Les Yeux de Mona », en lien avec la peinture de Paul Cézanne « La Montagne Sainte-Victoire » (vers 1890)

llustration du propos sur la peinture de Paul Cézanne "La Montagne Sainte-Victoire"

Inspiration venant également de la culture populaire

Chaque chapitre commence par une exhortation telle que : « Apprends à recevoir », « Souris à la vie », « Cultive le détachement »… Ces phrases d’encouragement à la vie et au bien-être, bien souvent connues, sont liées à la leçon du tableau qui constitue l’objet de la visite d’Henry et Mona.

L’une d’entre elles rappelle une chanson de France Gall « Viens, bats-toi, signe et persiste », évocation de la culture populaire que Thomas Schlesser considère tout aussi importante que certains préceptes issus de la littérature classique.

Dans ses interviews, l’auteur confie par ailleurs avoir connu ses premières émotions esthétiques grâce aux jeux vidéo des années 80, qui relevaient de la culture populaire.

L’art au service de la vie

Les œuvres d’art n’éveillent pas directement des émotions esthétiques au premier abord. Un éveil intellectuel est parfois nécessaire au préalable afin de s’ouvrir à une rencontre avec le message existentiel qui sous-tend l’œuvre.

L’auteur révèle par exemple que ce n’est pas tout de suite, mais après avoir acquis certaines connaissances que l’œuvre de Gustave Courbet l’a interpellé, lui apprenant que la liberté est une vérité cardinale et qu’il s’agit d’affirmer sa propre individualité en toute circonstance : « Crie fort et marche droit ».

L’art nous parle de notre existence et l’expérience ressentie devant une œuvre peut constituer un pont vers quelque chose de plus profond. Dans le roman de Thomas Schlesser, l’expérience artistique est un partage d’intuitions croisées, un dialogue constant entre la connaissance et l’émotion qui peut aider à surmonter les épreuves de la vie.

L’art, tout comme la littérature, est thérapeutique.

L’art est au service de la vie, mais à condition d’ouvrir son regard pour le découvrir.

Partage d’une interview de Thomas Schlesser

Vous retrouverez les avis et pensées ci-dessus mentionnés de l’auteur Thomas Schlesser dans cette interview réalisée par France Inter :

J’ai beaucoup apprécié ce roman qui ouvre littéralement notre regard sur plusieurs grandes œuvres, connues ou moins connues. Un aperçu de toutes ces œuvres accompagne le roman, ce qui en facilite la lecture et donne envie de les voir ou les revoir en version originale dans les musées parisiens.

Bonne lecture et bonne contemplation !

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