Clin d'oeil festif,  Solitude

Clin d’œil festif – Journée mondiale des solitudes

L’association française Astrée, fondée en 1987 par Gilbert Cotteau, a lancé la première Journée des Solitudes le 23 janvier 2018 afin de sensibiliser le public sur toutes les formes de solitudes et créer un vaste élan de solidarité visant à lutter contre ce fléau.

Aujourd’hui, nous célébrons la 7e édition de cette journée consacrée à la thématique de la solitude dont souffrent les êtres humains.

Mais voyons voir également ce que la littérature propose pour éclairer cette détresse.

De nombreux récits évoquent fréquemment l’une ou l’autre forme de solitude. Elle apparaît même dans la plupart des histoires, puisqu’à un moment donné, le narrateur ou le protagoniste principal est voué à se tirer d’affaire « seul » face à une situation inextricable ou face à ses propres démons.

Solitude contre nature

Nous nous définissons tous en fonction de nos liens avec autrui. Le récit surréaliste de feu la psychanalyste et romancière Jacqueline Harpman « Moi qui n’ai pas connu les hommes » démontre par leur absence l’importance des caractéristiques existentielles qui définissent notre humanité. Parmi ces caractéristiques figurent le temps, l’espace et surtout, la relation avec notre prochain.

Vous trouverez ma chronique à ce sujet ICI.

Solitude psychose – huis clos glaçant

« Le premier amour » de Sándor Marai raconte sous forme de journal intime la lente descente dans la psychose d’un professeur complètement esseulé. ll s’agit du premier roman d’un écrivain d’origine hongroise, Sándor Márai. Alors âgé de 28 ans, l’écrivain décrit avec beaucoup de talent et de sensibilité les émotions et les pensées de son protagoniste qui s’enfonce dans la folie. Le sentiment de solitude est souligné avec beaucoup de justesse, permettant au lecteur de reconnaître un mal qui le ronge peut-être aussi. Attention toutefois, car le bout de la route donne la chair de poule.

A ce sujet, vous pouvez lire ICI l’article paru dans « La Voix du Luxembourg » le 17 novembre 2010.

Solitude qui accompagne la vieillesse

Ce grand classique de la littérature évoquant entre autres la vieillesse et la solitude qui l’accompagne n’est pas dénué d’espoir. « Le vieil homme et la mer » de Ernest Hemingway figure parmi les romans bienfaisants (dont j’ai fait une chronique ICI) parce que sa lecture rend hommage à la capacité humaine de pouvoir se sortir des situations les plus difficiles.

Solitude dans la différence

Le roman de Jeanette Winterson porte un titre énigmatique « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? » C’est l’explication que la narratrice donne à sa mère adoptive lorsqu’elle lui révèle sa « différence en matière de préférence sexuelle ».

Sous forme d’autobiographie vivante et fantaisiste, Jeanette Winterson raconte son enfance et son adolescence en tant que fille adoptée dans une famille anglaise issue du prolétariat de Manchester. Alors qu’elle doit faire face à une mère acariâtre et à sa morale religieuse stricte, elle se réfugie dans la lecture et l’écriture, faisant des livres ses plus fidèles compagnons d’infortune.

« Quand on lit, on n’est jamais seul »

L’auteure fait ici l’éloge de la vertu curative des histoires, des fictions, de la poésie. Le récit relate comment les livres ont sauvé la santé mentale d’une personne seule et figée dans un mal-être depuis son enfance.

Je crois à la fiction et au pouvoir des histoires parce qu’ils nous donnent la possibilité de parler de nouvelles langues. De ne pas être réduits au silence. Nous découvrons tous qu’en cas de traumatisme profond, nous hésitons, nous bégayons ; notre parole est entrecoupée de longues pauses. Le traumatisme nous reste en travers de la gorge. Mais par le langage des autres, nous retrouvons le nôtre. Nous pouvons nous tourner vers la poésie. Ouvrir un livre. Quelqu’un a traversé cette épreuve pour nous et s’est immergé profondément dans les mots. 

Extrait de « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? » de Jeanette Winterson

La fiction et la poésie sont des médicaments, des remèdes. Elles guérissent l’entaille pratiquée par la réalité sur l’imagination. J’avais été gravement blessée et un pan essentiel de ma personne avait été détruit –c’était ma réalité, les faits de ma vie ; mais l’envers des faits était ce que je pouvais être, ce que je pouvais ressentir et si j’avais les mots, les images et les histoires pour l’exprimer, alors je n’étais pas perdue. 

Extrait de « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? » de Jeanette Winterson

Pour moi, les livres sont un foyer. Les livres ne font pas un foyer – ils le sont, dans le sens où de même que vous les ouvrez comme vous ouvrez une porte, vous entrez dedans. A l’intérieur, vous découvrez un temps et un espace différents. Il s’en dégage aussi de la chaleur – comme un âtre. Je m’assois avec un livre et je n’ai plus froid. Je le sais depuis les nuits glacées passées dehors. 

Extrait de « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? » de Jeanette Winterson

Laisser un commentaire